Il y a ceux, trop nombreux, qui prennent la plume mais qui ne devraient
pas. Marcel Ailliot, lui, ferait plutôt partie de ceux qui
n'écrivent pas. Mais qui devraient... "Je suis beaucoup
trop ramier pour ça", rigole-t-il sous ses moustaches...
Dommage, car l'ex-commandant de la PJ lyonnaise, après une
quarantaine d'années de lutte contre le grand banditisme,
aurait pas mal d'histoires à raconter. C'est lui qui, en
1975, a permis l'arrestation des ravisseurs du petit Mérieux.
Un épisode parmi d'autres du gang des Lyonnais à Khaled
Kelkal, les truands tombés dans les filets de son service
se comptent par dizaines...
C'était l'époque, teintée d'un certain romantisme
que le cinéma a toujours aimé à exalter, des
flics et des voyous, avec leurs codes, un certain respect mutuel,
parfois. "Je suis resté plutôt proche d'un gars
que j'ai arrêté, Didier Chamizo, un ex-braqueur qui
est aujourd'hui un peintre très réputé",
confesse ainsi l'ancien policier.
Il arrête son ancien copain de classe devenu terroriste
Natif de Sainte-Colombe, il a aussi contribué à mettre
sous les verrous un ancien camarade de classe, devenu chef de la
branche lyonnaise d'Action directe: "cela fait drôle
de passer dix ans au bahut avec un mec et de le retrouver dans ce
genre d'affaires, bien plus dures que les braquages".
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La violence, Marcel Ailliot a appris à vivre avec. Pris
dans sa carrière sous plusieurs fusillades, il ne regrette
rien: "c'était un boulot prenant, qui demandait beaucoup
de sacrifices du côté de la famille et des amis. Et
il fallait être bien dans ses bottes... "
Par bonheur, il a pu compter sur une épouse compréhensive.
Maguy, qui "a toujours accepté, même si elle a
eu peur, parfois ", est-elle la seule à faire trembler
l'ancien super-flic ? " En fait c est Marguerite, mais je n
ose pas le dire!"
Marcel Ailliot est aussi toujours parvenu à s'évader.
Sa soupape, c'était les airs, qu'il a toujours aimé
explorer aux commandes d'un avion: "c'est venu par un vieil
ami de la famille, un ancien pilote. Avec les copains, on faisait
des modèles réduits, on a commencé à
fréquenter l'aéro-club de Vienne, à faire du
vol à voile, puis à piloter des planeurs. .Il décroche
son brevet en 1956, avant son permis de conduire.
"C'était une époque bénie... Toute ma
vie j'ai volé!" Toute sa vie ou presque, puisque de
récents ennuis de santé lui ont valu une interdiction
de tenir le manche, ce qui ne l'empêche pas le continuer à
tutoyer les nuages en compagnie de ses copains de l'aéro-club.
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Ombre et lumière
Il n'y a que deux mois, d'ailleurs, qu'il en a lâché
la résidence, après trente-six années de service,
marquées par des joies, comme le maintien de l'aérodrome
menacé par la construction d'une usine, et par des instants
plus sombres, comme la disparition il y a deux ans, de deux membres
du club dans des crashs...
Marcel Ailllot en connaît un rayon sur la gravité de
la vie. Il a côtoyé la mort durant sa carrière,
mais c'est sur un plan plus personnel qu'il a vécu "ce
qui peut arriver de pire ", la mort accidentelle de l'un de
ses deux fils sur une route de la Drôme. Il était policier, comme
son père. Et comme son frère, commandant de CRS à Bergerac. Le virus
a bien été transmis... À la retraite depuis douze ans, le chevalier
de la Légion d'Honneur Marcel Ailliot n'a toujours pas pris le temps
d'atterrir : un temps candidat sur la liste PS aux municipales de
Vienne, en 2001 (et plutôt heureux d'avoir perdu), il fut durant
cinq ans président de l'office municipal des sports. Il est aujourd'hui
jury pour le festival Sang d'Encre, où il lit des polars " bien
plus réalistes que ce qu'il peut voir à la télé " et consacre le
peu de temps qu'il lui reste à profiter d'un petit coin de Drôme
qu'il affectionne, du côté de Saillans, "J'ai eu une vie bien remplie
", reconnaît-il... De quoi noircir quelques pages, si l'envie lui
venait...
PhIIIppe FRIEH
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