Les mouvements du personnel

Totalisant 82 années d'enseignement,
trois professeurs prennent leur retraite

Cette réunion de mardi soir dépassait les habituelles dimensions d'un simple départ à la retraite. Elle les dépassait parce que ceux qui en faisaient l'objet totalisent, à eux trois, 82 années d'enseignement pour la plupart au lycée Ponsard.
M. Pierre Pacalin, professeur de mathématiques, y passa, lui, presque la totalité de sa carrière, on pourrait dire de sa vie puisqu'il y reçut l'enseignement sur les mêmes bases que ceux qu'il allait à son tour instruire. M. Charles Andrien, professeur de Lettres, fut nommé en 1935 et, à la distribution des prix, prononça le discours d'usage. M. Roger Meyssonnier arriva un peu plus tard, mais cela dit suffisamment le nombre de générations d'élèves qu'ils eurent à guider et à préparer au baccalauréat.

De gauche à droite, MM Pacalin, Andrien et Meyssonnier
Devant M. le principal Barbier et M. l'intendant généra Sultan, en présence aussi de M. Raymond Rigal, principal honoraire et devant tout le corps professoral assemblé, les trois professeurs évoquèrent leurs souvenirs mêlés de quelque peu de mélancolie suivant le dernier mot de M. Pacalin "Cette réunion d'aujourd'hui, cette dernière distribution des prix, elle aussi s'ouvre sur de grandes vacances, de très grandes vacances, mais au. bout… il n'y aura plus de rentrée" Organisateur de cette réunion du remerciement et de la reconnaissance, M. le principal Jean Barbier remarque que si chaque année nombre de maîtres quittent l'établissement, il est bien rare que trois professeurs et les plus anciens, appelés par l'âge de la retraite, partent en même temps. Totalisant 82 années de service, MM. Roger Meyssonnier, Pierre Pacalin et Charles Andrien laissent une impression durable tant chez les parents d'élèves que chez leurs anciens élèves. Ils font partie de ceux qui conférèrent au lycée Ponsard son actuelle réputation. M. le Principal veut simplement leur dire que cette maison est la leur et que l'on aura toujours plaisir à les y retrouver très souvent.


Roger MEYSSONNIER


M. Roger Meyssonnier est né le 31 décembre 1907 dans une charmante localité des Basses-Alpes Château-Arnoux. Mobilisé en 39-40, il avait continué la lutte dans les Vosges et c'est en 1945 qu'il prenait ses fonctions au lycée Ponsard.

En sa qualité de doyen d'âge, il remercie, le premier M. le Principal, évoquant le passé
"En 1945. nous étions trois professeurs de math, dont Garaudet qui vient de mourir à Dijon. Marquet faisait pratiquement marcher la maison, assisté du Principal - qui n'était pas M. Rigal - nous étions moins bousculés et avions l'occasion de nous fréquenter davantage. Nos propres enfants servaient de lien ".
M. Meyssonnier, dont un destin cruel frappa un de ses propres enfants pendant les vacances dernières, ajoute : "Maintenant il y a vraiment beaucoup de monde, beaucoup de maîtres, beaucoup de secrétaires. Je ne quittais plus guère mon coin de la salle 118, ma mauvaise vue n'arrangeant rien. Peut-être aussi n'ai-je pas fait l'effort de rapprochement nécessaire. Cette année justement. le coeur n'y était pas...
Mais je reviendrai quelques fois revoir ces vieux murs en attendant le palais moderne qu'on nous construira à Saint-Romain. Encore une fois, merci".

Charles ANDRIEN

Il ne s'agit plus de retracer les carrières de ceux qui partent. Prononcer seulement le nom de M. Charles Andrien est dire. en dehors des qualités du professeur de lettres, le dévouement qu'il déploya sur la rive droite au service de ses camarades : les anciens prisonniers de guerre.
On ne quitte pas sans émotion une profession exercée pendant 40 ans " Cependant, dit--il, cette émotion cède à des considérations moins sentimentales, à la pensée d'avoir aidé quelques centaines d'élèves à se former et à préparer leur avenir, en leur donnant un peu de ce qu'on savait soi-même et surtout une méthode pour continuer à s'instruire et à se cultiver. "
M. Andrien est particulièrement heureux de retrouver dans cette assemblée quelques-uns de ses "anciens" qui à leur tour ont choisi d'enseigner et font briller bien haut le flambeau qu'il va laisser à de plus jeunes. "Tout bien pesé, je me retire avec sérénité de la vie active pour entrer dans l'âge des loisirs et des passe-temps inutiles". C'est dire qu'il sera disponible pour accueillir ceux de ses élèves qui voudront bien lui faire l'amitié d'une visite dans sa nouvelle résidence, mi-bourguignonne,mi-morvandelle d'Etang-les-Autuns. Ils verront qu'il habite un site historique, d'où de ses fenêtres on peut contempler Bibracte, l'antique citadelle éduenne et la montagne de la Certenne, que visita Mme de Sévigné.
Mais les rêves du professeur de lettres le ramèneront à cette ville de Vienne, si attachante malgré ses rides, où il a laissé avec sa jeunesse plus de la moitié de sa vie.

Pierre PACALIN

Originaire de Saint-Jean-de-Bournay, M. Pacalin débuta sa carrière comme maître d'internat à Mâcon puis à Villefranche-sur-Saône et au lycée du Parc. Il revint à Mâcon et au Parc comme professeur, puis à Chalon où il demanda et obtint d'être muté à Ponsard où il exerce depuis 1945. Dans son remerciement. il rappelle que, bien que le plus jeune des trois, il est pourtant le plus ancien dans cette maison puisque il y a près d'un demi siècle il y faisait sa première rentrée. Il y trouvait de bons camarades avec lesquels il poursuivit toutes ses études secondaires et qu'il eut le plaisir de retrouver en qualité de collègues quinze années plus tard. Ils ont formé ce groupe sympathique qui n'a cessé d'augmenter au cours des ans pour arriver à l'ensemble impressionnant d'aujourd'hui.
Evoquant cela, M. Pacalin ajoute : "Je me reproche de ne pas avoir assez cultivé ces sentiments, trop absorbé par les contraintes de plus en plus sévères de notre métier. Parmi beaucoup d'autres, j'ai gardé un souvenir très ému de ma première distribution des prix, après une année d'internat... et d'internat véritable ! Elle débouchait sur de grandes et belles vacances et sur toute une vie ".
On sent M. Pacalin très ému. comme le sont ses deux autres collègues recevant les rnerveilleux appareils de radio portatifs, cadeau de leurs collègues et de leurs élèves. Mais la véritable reconnaissance elle est. dans le coeur de ceux qu'ils en-seignèrent et dont ils firent des hommes et des esprits cultivés.

Jean BOUVARD