Voilà une douzaine d'années Jean Giraudoux venait méditer
sur le passé du Théâtre Antique de Vienne : il y séjournait
de longues heures.
Il y a dix ans que l'homme magique du Théâtre en France,
est décédé, en pleine occupation de Paris. Giraudoux
n'eut pas le temps - ou on ne lui laissa pas le temps - de voir se lever
l'aube de la Libération.
Dans l'uvre déjà importante qu'il a laissée,
une pièce fait date :
- La Guerre de Troie n'aura pas lieu !
Estimant avec Giraudoux... " qu'une minute de paix, c'est bon a prendre
" les collégiens de Ponsard ont justement choisi cette uvre
pour la représentation annuelle qu'ils offrent à leurs camarades
d'abord, puis à leurs familles. Le tandem professoral Argaud- Dutrait
- un tandem de qualité morale et intellectuelle - a aiguillé,
dirigé, façonné, élevé les jeunes interprètes
jusqu'au niveau que nous venons d'apprécier et d'applaudir.
Ce n'est point perdre son temps que de jouer, de comprendre et de faire
comprendre Jean Giraudoux.
" LA GUERRE DE TROIE
N'AURA PAS LIEU "
La pièce de Giraudoux, représentée pour la première
fois en novembre 1935, a été, moins de quatre ans avant
la guerre de 1939 un grave examen de conscience devant le problème
moral de la guerre.
Dans un état du monde plus angoissant encore, elle retrouve aujourd'hui,
une singulière résonance. La plupart des répliques
portent aussi fortement qu'elles portaient en 1935.
Giraudoux, avec les grâces subtiles de son style et la netteté
vigoureuse de sa pensée, a transposé dans le cadre mythique
de la guerre de Troie, les situations tragiques d'où la guerre
sort presque inévitablement.
" La guerre de Troie n'aura pas lieu ". C'est le premier
mot de la pièce. Il est adressé par Andromaque (la très
" tragédienne " Ginette Faget), la femme du chef
militaire Hector (un Claude Vergnes, encore plus en forme que dans Créon)
à sa belle-sur Cassandre (la jeune collégienne Marie
Ohanian), prophétesse du malheur. L'incident qui oppose les Grecs
aux Troyens (le rapt d'Hélène par Pâris) sera réglé.
Cassandre prédit au contraire que la guerre aura lieu : "
Je tiens compte de deux bêtises, celle des hommes et celle des éléments ".
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Le groupe de l'ensemble des interprètes de la "Guerre de
Troie" devant la "Porte de la Paix"...
Photo "Dauphiné Libéré"
DE BELLES SCÈNES AVEC
UNE BONNE INTERPRÉTATION
De belles scènes se succèdent.
Hector revenu d'une guerre contre les Barbares d'Asie, explique à
Andromaque pourquoi il n'aime plus la guerre. Il demande à Pâris
(Alain Roux) de rendre Hélène (Claude Journet, très
dans son rôle). Celui-ci refuse, appuyé par le Roi Priam
(Gllbert Roche) et les vieillards de Troie, tous amoureux d'Hélène.
Il demande à Hélène de partir de bon gré.
Il se heurte à la faiblesse obstinée d'une femme soumise
aux événements existants.
Le second acte (la pièce n'en a que deux) est plus riche encore
en traits devenus célèbres : le rôle néfaste
des poètes, le rôle inopérant des juristes.
L'invocation des morts par Hector au moment ou il va fermer les portes
de la guerre. La réponse d'Hécube (Nadia Granier à
la belle diction et qui porte) à Priam qui craint que ces portes
ne soient ouvertes dans une minute. Une minute de Paix...
Enfin la négociation entre Ulysse (Alain Bujard, magnifique de
prestance) et Hector. Et au moment où les choses semblent arrangées,
l'incident truqué (comme toujours !) qui déclenche la guerre.
Jamais l'art de Giraudoux n'a été plus parfait, jamais non
plus l'art de Jouvet, qui jouait le rôle d'Hector lors de la création.
Les élèves du Collège ont eu le beau courage d'essayer
leur talent dans cette pièce haute et difficile. Leur travail et
la leçon qu'ils donnent ont porté.
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